- BOUDDHISME - Bouddhisme japonais
- BOUDDHISME - Bouddhisme japonaisLe bouddhisme tel qu’il fut transmis au Japon, par l’intermédiaire de la Corée, vers le milieu du VIe siècle après J.-C., avait été auparavant refaçonné par la Chine. Il s’agissait, bien entendu, pour l’essentiel, des doctrines du Grand Véhicule (Mah y na) qui remontaient jusqu’au bouddhisme indien, mais avec les évolutions qu’elles avaient subies au sein de la culture chinoise à partir de la fin du Ier siècle de l’ère chrétienne. Hormis de très rares exceptions, le Japon n’eut pas de contacts directs avec le bouddhisme des autres grandes aires culturelles de l’Extrême-Orient, que ce fût l’Inde, le Tibet ou l’Asie du Sud-Est. On peut même estimer que la religion de え kyamuni ne fut importée au tout début que comme l’un des éléments constitutifs du vaste ensemble de la civilisation chinoise, ce qui ne serait pas sans rappeler la résurgence du christianisme au Japon à l’ère Meiji, lorsque la religion prédominante en Europe fut considérée comme l’une des composantes, voire le secret du succès, de la culture occidentale.Il résulta de ce mode de transmission que, à l’instar de la Corée et du Vietnam, la langue de référence, et d’une certaine façon la langue sacrée, des bouddhistes japonais fut le chinois littéraire dans sa variante bouddhique, c’est-à-dire, à peu de chose près, cette grande langue de culture qui s’était aussi imposée dans les autres domaines de l’activité intellectuelle: l’histoire, les sciences, la philosophie et une grande partie de la littérature. À la différence de ce qui se passa au Tibet, on ne ressentit pas au Japon le besoin de traduire dans la langue nationale l’immense corpus de textes que représentait le canon des écritures et, si l’on fait abstraction de quelques rares exemples isolés de grands s tra traduits dès le XIIIe siècle, ce n’est qu’après la modernisation que l’on verra apparaître les grandes collections de traductions scripturaires et que, plus récemment encore, ces traductions seront effectuées dans la langue japonaise moderne. Il ne faut certes pas oublier que le chinois littéraire n’était pas à proprement parler une langue étrangère, puisqu’il constituait la langue de culture par excellence, directement accessible aux lettrés, et que d’ailleurs il était leur moyen d’expression privilégié. Mais le fait est que le peuple illettré ou peu versé dans les lettres chinoises éprouvait une réelle difficulté pour accéder aux écritures religieuses. Aussi devait-il s’en remettre au clergé pour se faire expliquer la doctrine et le sens des rites, phénomène courant dans le monde bouddhique ainsi que dans d’autres religions; mais, de plus, comme les laïcs en général, y compris ceux de l’aristocratie, il eut tendance à accueillir avec enthousiasme les divers mouvements qui prônèrent une pratique simplifiée, ramenée par exemple à la simple invocation du nom d’un buddha, ou un système de croyances facilement condensé en quelques préceptes. Il est vrai que c’est aussi la complexité décourageante des doctrines bouddhiques qui entraîna cette simplification, souvent très bien accueillie par les religieux eux-mêmes.L’histoire du bouddhisme au Japon se complique, par ailleurs, du fait qu’existait, avant son introduction, une religion autochtone assez bien organisée qui, bien que pauvrement structurée du point de vue doctrinal, présentait néanmoins un panthéon et une mythologie bien constitués, encore que sans doute peu diffusés dans le peuple, et surtout un ensemble de croyances et de rites populaires profondément implantés que la nouvelle religion ne pouvait déraciner, ce que, d’ailleurs, elle ne chercha pas à faire. Il se produisit, au contraire, une forme de syncrétisme remarquablement adapté à la religiosité populaire, qui fit que les deux mouvements, le bouddhisme, d’une part, et ce qui fut assez tardivement appelé le shint 拏, de l’autre, loin de se nuire, se vivifièrent mutuellement, et cela jusqu’au XIXe siècle, lorsque l’idéologie prémoderne puis moderniste força les deux religions à se scinder. Cette scission, artificiellement imposée, n’est sans doute pas étrangère à une certaine stagnation du bouddhisme japonais, laquelle peut s’observer dès avant le début de l’occidentalisation et créa un espace propice à la constitution de mouvements religieux nouveaux. Ceux-ci, dont beaucoup étaient eux-mêmes d’inspiration syncrétiste, prirent souvent le relais des vieilles sectes bouddhiques dans la religion vécue quotidiennement.En tant que religion constituée, le bouddhisme japonais présente aussi la caractéristique d’être divisé en un grand nombre de sectes (sh ha , terme qu’il vaudrait mieux traduire par «école» pour l’époque ancienne), elles-mêmes subdivisées en branches (ry ) et sous-branches, jalouses de leur indépendance mutuelle, mais soucieuses d’être reconnues par le pouvoir central et se réclamant de la fidélité à un enseignement transmis de l’Inde, de la Chine, ou de maîtres japonais plus récents. Ce cloisonnement religieux a souvent amené à privilégier l’importance de la lignée de transmission par rapport aux divergences doctrinales, qui parfois n’existaient guère ou étaient bien minimes; et il a contribué à répandre au sein de l’ensemble des sectes une atmosphère de tradition ésotérique qui ne se limite pas aux écoles tantriques à proprement parler, mais se retrouve en des domaines a priori extrabouddhiques, tels que les arts martiaux, le théâtre, la musique, la poésie ou la cérémonie du thé.Il est enfin indéniable que le bouddhisme au Japon, comme dans les autres pays, fut aussi un instrument dont se servit le pouvoir étatique pour assurer son autorité et que la séparation actuelle entre le religieux et le politique, garantie par la Constitution, l’a d’une certaine façon affaibli; mais il n’en demeure pas moins que la religion du Buddha a imprégné en profondeur la culture japonaise et qu’on la retrouve présente, explicitement ou implicitement, à tous les niveaux de la mentalité et de la sensibilité des Japonais, encore qu’il soit parfois difficile d’établir s’il s’agit de traits antébouddhiques affermis par la religion continentale ou d’éléments complètement importés puis assimilés, comme dans le cas de l’impermanence des choses (muj 拏 ) en tant que catégorie esthétique.1. La religion du pouvoirLes premiers pasEn dehors des documents archéologiques, la source principale pour notre connaissance de la première période du bouddhisme au Japon demeure le Nihon shoki ou «Annales du Japon», ouvrage historique achevé en 720 où l’on trouve nombre de renseignements concernant, entre autres, l’histoire religieuse jusqu’en 697. Son caractère officiel explique qu’y soient surtout rapportés les faits qui touchent la maison impériale, la grande aristocratie ou la diplomatie. Il est vrai que la diffusion de la nouvelle religion fut d’abord le fait des classes dirigeantes et qu’elle ne pouvait s’implanter solidement dans le pays qu’avec reconnaissance officielle, mais de nombreux indices montrent que le bouddhisme était déjà pratiqué, avant son introduction formelle, dans des familles d’immigrés chinois et coréens (que l’on nommait les kikajin ) installées au Japon. Ces familles furent appelées à jouer un rôle non négligeable dans les premiers temps et l’on pourra même les retrouver plus tard dans la biographie de religieux illustres.Ce qui intéresse l’historiographie japonaise, c’est la venue à l’existence du bouddhisme dans les milieux aristocratiques autochtones. Selon le Nihon shoki (livre XIX), la transmission du bouddhisme au Japon se fit donc au plus haut niveau diplomatique lorsque, la treizième année du règne de l’empereur japonais Kinmei, le souverain du royaume coréen de Paekche (Kudara en japonais), du nom de Songmyong, envoya à celui-ci une statue dorée de S kyamuni, des accessoires liturgiques et quelques ouvrages religieux. Le tout était accompagné d’une déclaration proclamant l’excellence du Dharma bouddhique sur toutes les autres doctrines et présentant cet envoi comme la réalisation d’une prédiction du Buddha: «Ma Loi se propagera vers l’Orient.» La date donnée correspond à 552, mais il faudrait, selon certains, la corriger en 538 (une opinion récente donne 548). Or d’autres sources, dont le Fus 拏 ryakki (fin du XIe s.), mentionnent l’arrivée au Japon en 522, sous le règne de Keitai, d’un immigrant chinois du nom de Shiba Tatto, qui construisit une chapelle particulière où il rendait un culte au Buddha, ce qui atteste bien l’existence d’une diffusion privée du Dharma antérieure à sa transmission officielle. Le Nihon shoki , d’ailleurs, situe expressément («C’est de là que date le commencement de la Loi bouddhique») en l’an 13 de l’empereur Bidatsu (584) le début du Dharma au Japon, c’est-à-dire au temps où Soga no Umako construisit un temple dans sa propriété. C’est en effet au clan des Soga que revient l’honneur d’avoir soutenu la nouvelle religion contre le clan des Mononobe, qui, avec celui des Nakatomi, avait choisi de défendre le vieux culte des divinités japonaises (kami ), garantes du pouvoir impérial. Les péripéties de cette lutte, qui dura des environs de 550 jusqu’en 587, montrent que le bouddhisme était essentiellement tenu pour une religion utilitaire: on attendait des buddha les mêmes miracles, ou de plus grands encore, que ceux que dispensaient les kami. Les deux partis prenaient tour à tour l’avantage selon les bienfaits ou les calamités que recevaient ceux qui se ralliaient à l’un ou à l’autre. Cet aspect thaumaturgique fait aussi du bouddhisme un instrument de pouvoir et l’on voit Soga no Umako, lors du conflit final qui l’opposa à Mononobe no Moriya à propos de la succession de Bidatsu (585), faire vœu de bâtir des temples et de protéger les Trois Joyaux (triratna , le symbole du bouddhisme) au cas où il obtiendrait la victoire. Il l’obtint et, dès 588, commencèrent les travaux de construction du H 拏k 拏-ji (encore appelé Asuka-dera et Gang 拏-ji), qui furent achevés en 596. C’est en ce monastère que s’établit une première communauté religieuse autour d’un noyau de moines coréens arrivés de Kudara (Paekche) en 588.Le prince Sh size=5拏tokuLe principal allié de Soga no Umako fut le tout jeune prince Umayado no Toyotomimi, plus connu de la postérité sous le nom de Sh 拏toku-taishi, le prince Sh 拏toku (574-622). Fils de l’empereur Y 拏mei, successeur de Bidatsu, le prince étudia les doctrines bouddhiques auprès de religieux coréens, dont Eji (en coréen Hyecha), originaire du royaume de Koryo (en japonais Koma) et résidant au H 拏k 拏-ji; il maîtrisa suffisamment les doctrines pour donner des exposés publics sur les grands textes bouddhiques, en particulier le S tra du Lotus (en 606; ce s tra avait sans doute été introduit au Japon en 577). On lui doit la première ambassade officielle du Japon à la cour de Chine (en 607; d’autres se poursuivront jusqu’en 894 et joueront un grand rôle dans le bouddhisme japonais) et la promulgation de la fameuse Constitution en dix-sept articles (604), dont l’article 2 recommande de vénérer avec ferveur les Trois Joyaux. Mais il ne faut pas exagérer le caractère bouddhiste de cette «constitution»; l’harmonie (wa ) qui y est prônée est une notion avant tout confucianiste et des travaux ont mis en lumière des influences taoïstes qui ont joué sur elle. La tradition attribue au prince Sh 拏toku la construction de sept temples, dont il ne faut probablement retenir que le H 拏ry -ji, mais surtout la paternité de trois importants commentaires de s tra bouddhiques, principalement d’un commentaire du S tra du Lotus ; l’authenticité de ces trois traités est rien moins que certaine; beaucoup de savants modernes préfèrent y voir des compilations effectuées par des moines coréens au Japon à partir de textes chinois, Sh 拏toku en ayant été le promoteur et le diffuseur. Mais, dès le milieu du VIIIe siècle, ces textes lui étaient fermement attribués et, quoi qu’il en soit, le prince commentateur, qu’un moine chinois du même siècle proclama être la réincarnation du grand docteur chinois Huisi (VIe s.), devint le modèle même de l’homme politique pratiquant et protégeant le Dharma; nombreux seront ceux qui l’imiteront et se réclameront de lui. Il fut en quelque sorte l’A ごoka japonais, bien qu’il ne fût jamais monté sur le trône et n’eût occupé que les fonctions de régent (sessh 拏 ).L’affermissementEn 624, il y aurait eu au Japon 46 monastères, 816 moines et 569 nonnes. Si l’État avait la ferme intention d’utiliser le bouddhisme comme religion protectrice – rôle qui fut le sien dans les autres pays d’Extrême-Orient qui l’avaient adopté –, il n’entendait pas laisser la communauté monastique sans supervision. La même année furent nommés des recteurs et des préfets monacaux (s 拏j 拏 , s 拏zu , titres chinois d’origine) chargés de surveiller la communauté. Le code de lois promulgué lors de la réforme de Taika (645) reconnaît la hiérarchie traditionnelle indienne des «trois cordes» (ou grades, sang 拏 ). En 701 est publié un Code des moines et des nonnes (s 拏ni-ry 拏 ) interdisant la propagande religieuse parmi le peuple, l’entrée non officielle dans les ordres monastiques et la pratique de la divination. Tout moine ou nonne devra dès lors être muni d’un certificat officiel d’ordination (doch 拏 ) remis par le ministère de l’Intérieur.À l’époque de Nara, en 741, un pas important fut fait dans l’intégration de la communauté religieuse à l’action politique avec l’établissement du système des monastères provinciaux (kokubun-ji ) par l’empereur Sh 拏mu, sur le modèle établi en Chine par l’usurpatrice Wu Zetian: en chaque province devaient être bâtis deux monastères, l’un de vingt moines, l’autre de dix nonnes, qui se consacreraient à la récitation des s tra pour la protection de l’État et l’effacement des péchés. Ces monastères, qui bénéficiaient du revenu de rizières, étaient mis sous le contrôle du T 拏dai-ji de Nara, dont la grande statue du buddha Vairocana, achevée en 752, symbolisait l’interpénétration du religieux et du politique. Cette symbiose n’alla pas sans tentative de déséquilibre: le religieux Genb 拏, de l’école Hoss 拏, qui avait rapporté de Chine l’idée des monastères provinciaux, fut impliqué en 745 dans une tentative de révolte politique, et exilé. Plus tard, D 拏ky 拏, moine de la même école et favori de l’impératrice K 拏ken, alla jusqu’à tenter de monter sur le trône; il en fut empêché en 769 par une alliance des grandes familles de la noblesse et mourut exilé en 772. La décision d’abandonner Nara en 784 pour transférer la capitale à Heian (l’actuelle Ky 拏to) en 794 s’expliquait aussi par le désir qu’avait la cour de s’éloigner des grands centres monastiques de plus en plus puissants et de recouvrer une plus grande liberté d’action.La période de Heian (794-1192) vit l’apparition de deux écoles, le Tendai et le Shingon, qui venaient naturellement de Chine et qui formèrent dans la nouvelle capitale, avec l’appui de l’aristocratie, un milieu bouddhique appelé à prendre la plus grande importance, en faisant d’abord contrepoids aux écoles de Nara avant de les supplanter. Le système de contingentement annuel des ordinations (nenbun dosha ), qui avait débuté en 696, est alors parachevé et inclut les nouvelles écoles; douze moines peuvent être ordonnés chaque année. L’administration des monastères est confiée depuis 752 à un intendant (bett 拏 ), qui a le statut de fonctionnaire et qui peut même être un laïc (zoku-bett 拏 ). Cette époque vit aussi la pénétration du bouddhisme dans la vie quotidienne de la noblesse, qui s’entiche des cérémonies fastueuses et des prestiges de l’ésotérisme (mikky 拏 ), lequel gagne même l’école Tendai. La religion s’adapte à son public aristocratique: à l’Enryaku-ji, centre du Tendai, la plate-forme où prennent place les nobles lors des cérémonies est à la hauteur du visage des statues bouddhiques afin qu’ils se retrouvent à égalité, réponse concrète au vieux débat chinois sur la supériorité du clergé ou du pouvoir politique.Les changementsEn 1192, Minamoto no Yoritomo devient sh 拏gun, au terme d’une longue période de troubles civils au cours de laquelle le vieil ordre s’écroule, tandis que des monastères comme le T 拏-ji, l’Enryaku-ji, le K 拏fuku-ji interviennent de plus en plus dans la vie politique avec leurs moines-guerriers (s 拏hei ). C’est le début de l’époque de Kamakura (1185 ou 1192-1333), où va s’opérer une rénovation profonde du bouddhisme japonais après l’effondrement de bon nombre des structures traditionnelles. L’idée que le monde était entré, depuis 1052 selon l’opinion courante, dans la période qui devait voir le déclin, puis la disparition du bouddhisme (mapp 拏 ) s’était généralisée et laissait le champ libre à l’apparition de nouveaux courants plus adaptés à une époque ressentie comme dégénérée, tandis que le transfert de la capitale à Kamakura, bien loin de Ky 拏to, créait un nouveau foyer d’attraction, indépendant de la cour impériale.Ce que l’on a appelé le «nouveau bouddhisme de Kamakura» avec les écoles de la Terre pure (J 拏do-sh et Y z -nenbutsu dès la fin de Heian, J 拏do-sh et Ji-sh au XIIIe s.), l’école de Nichiren et celles du zen, peut être considéré comme l’achèvement du processus de japonisation du bouddhisme et de sa diffusion dans des couches plus vastes de la société. Tandis que Nichiren est exilé pour ses tentatives d’influer sur la politique des sh 拏gun, le zen se propage dans la classe nouvelle des guerriers (bushi ); les mouvements de la Terre pure deviennent extrêmement populaires et constituent l’une des composantes des grands soulèvements tels que les révoltes dites Ikk 拏-ikki, qui troublèrent le Japon pendant cent ans à partir de la fin du XVe siècle. Les grandes campagnes militaires d’Oda Nobunaga, puis de Toyotomi Hideyoshi, à la fin du XVIe siècle, furent aussi dirigées contre les grands centres monastiques, devenus des forteresses défendues par des moines-guerriers; l’Enryaku-ji, centre séculaire du Tendai, est incendié en 1571; en 1602, le Hongan-ji, haut lieu du J 拏do shinsh et citadelle des rebelles du Ikk 拏-ikki, se scinde en deux monastères à la suite des manœuvres du premier sh 拏gun des Tokugawa, Ieyasu.Mais le shogounat d’Edo, le bakufu , lorsqu’il se lança dans sa politique d’extermination du christianisme – dont Nobunaga s’était fait quelque temps le protecteur pour affaiblir ses adversaires bouddhistes –, comprit vite l’avantage qu’il avait à restaurer à son profit un réseau monastique lui permettant de tenir la population étroitement surveillée. Ce fut alors l’instauration du système dit de l’inscription paroissiale (danka seido ), qui obligeait chaque famille japonaise à se faire inscrire dans un temple bouddhique où on lui remettait un certificat prouvant qu’elle n’était pas chrétienne. Les grandes sectes établirent des temples à Edo, la nouvelle capitale, afin d’être plus proches du gouvernement; l’exemple le plus typique en est le Kan.ei-ji, qui devint le centre effectif du Tendai à l’époque et dont le fondateur, Tenkai (1536-1643), proche d’Ieyasu, joua un rôle politique indéniable. L’époque d’Edo vit de même l’établissement définitif du système des monzeki ou «résidences de lignage», qui faisait qu’un certain nombre des monastères les plus prestigieux étaient réservés à des résidents choisis dans la famille impériale et la grande noblesse.Les reversAlors que la position du bouddhisme semblait ainsi renforcée politiquement et que l’on pouvait penser qu’il allait reprendre comme autrefois son rôle de religion protectrice de l’État, il se trouva en butte aux attaques des deux grandes idéologies concurrentes, attaques qui allèrent s’intensifiant vers la fin de l’époque d’Edo. Il s’agissait du confucianisme d’abord, ou plutôt du néo-confucianisme fondé sur la pensée du philosophe chinois Zhu Xi (mort en 1200) et représenté par des penseurs comme Hayashi Razan (1583-1657); il était devenu la doctrine officielle du shogounat (un décret de 1790 interdit même l’enseignement des autres écoles confucianistes) et ses représentants ne ménagèrent pas leurs critiques contre le bouddhisme, accusé d’être une fantasmagorie immorale et antisociale. De l’autre côté, celui-ci se heurta aux shintoïstes, avec de grands érudits tels que Motoori Norinaga (1730-1801) et Hirata Atsutane, promoteurs des «études nationales» (kokugaku ), qui rejetaient complètement cette religion étrangère, à la fois indienne et chinoise. Ce double assaut, renforcé par la critique historique de Tominaga Nakamoto (1715-1746), dont le Shutsuj 拏-k 拏g 拏 («Propos au sortir de la concentration») mettait à mal la chronologie bouddhique traditionnelle, allait porter ses fruits à la Restauration de Meiji.2. La religion des clercsLes moines étrangersLe bouddhisme est une religion fondée sur une communauté monacale, le dernier des Trois Joyaux, chargée de conserver et de transmettre le Dharma, et d’assurer à ses membres un milieu propice aux pratiques de délivrance. Le cadre en est fourni par la discipline monastique à laquelle chaque moine s’engage lors de son ordination; ce code disciplinaire (ritsu en japonais, vinaya en sanscrit) est commun au Petit et au Grand Véhicule, mais il connaîtra bien des vicissitudes au Japon, où le monachisme finira par prendre une forme très particulière.La première communauté était formée de moines coréens: neuf furent envoyés de Paekche en 554; ils venaient de remplacer sept autres, qui se trouvaient donc au Japon avant eux; cela implique qu’il existait des moines qui s’occupaient sans doute exclusivement des immigrés. En 577, six autres religieux arrivèrent, et c’est en 583 ou 584, à l’instigation de Soga no Umako, qu’eut lieu la première entrée en religion sur le sol japonais. Or il s’agissait de Shima, la propre fille de Shiba Tatto, immigré chinois que nous avons déjà mentionné, laquelle prit le nom religieux de Zenshin, ainsi que de deux autres filles d’immigrés. Elles se rendirent en 588 à Paekche pour y être régulièrement ordonnées. La première communauté japonaise fut donc formée de nonnes d’origine continentale et il faut sans doute voir là la marque d’une réticence des nobles autochtones à s’engager dans cette religion étrangère. Les moines coréens arrivèrent régulièrement au Japon au cours du siècle suivant et furent les premiers maîtres en bouddhisme des Japonais. La prononciation sino-japonaise traditionnelle utilisée encore actuellement dans la récitation des s tra, le go.on , reflète certainement la prononciation coréenne de l’époque.Mais, avec le début des ambassades en Chine, le rôle de la Corée comme intermédiaire du bouddhisme alla en s’amenuisant, encore que des Coréens eussent participé à la transmission d’écoles aussi importantes que le Hoss 拏 et le Kegon. Les Japonais préférèrent puiser directement aux sources chinoises, et les écoles de Nara et de Heian, jusqu’à la fin du IXe siècle surtout, mais plus tard aussi, virent se croiser les moines chinois qui venaient s’installer au Japon et les moines japonais qui allaient étudier en Chine. Le plus prestigieux de ces Chinois est certainement Ganjin (en chinois Jianzhen ; 688-763). Il arriva au Japon en 754 et son nom reste attaché à l’établissement d’une ordination fondée sur l’observance stricte du vinaya, contrairement à ce qui était le cas avant son arrivée, ainsi qu’à la fondation des trois centres officiels d’ordination (kaidan , le premier étant au T 拏dai-ji) qui vont marquer l’apogée de l’école de la Discipline (Ris-sh ) au Japon. Ganjin apportait ausssi des traités de l’école Tendai (en chinois Tiantai), qui devait s’épanouir trois quarts de siècle plus tard, et il fut suivi par des disciples chinois qui allaient participer à son œuvre de propagation du bouddhisme. Déjà avant lui, D 拏sen (en chinois Daoxuan, 702-760) avait introduit au Japon les doctrines de l’Avatamsaka (Kegon) et des pratiques de zen; l’un de ses compagnons, Bodhisena, fut sans doute le seul Indien à fouler le sol japonais.Même à distance, le bouddhisme chinois jouait un rôle dans les écoles japonaises: jusqu’à la fin du Xe siècle, les moines japonais eurent coutume d’envoyer aux docteurs chinois des listes de questions délicates: les réponses de ces derniers, regroupées en livrets dits t 拏ketsu («élucidations chinoises»), faisaient référence. L’abandon de cet usage marqua le moment où les Japonais eurent conscience d’avoir atteint un niveau de connaissance qui leur permettait de progresser sans aide. D’autres religieux chinois arrivèrent aux époques de Kamakura et Muromachi, tel Issan Ichinei (en chinois, Yishan Yining; 1247-1317), moine zen qui eut une grande influence sur la littérature sino-japonaise du temps; le dernier de ces moines du continent à jouer un rôle fut Ingen (en chinois Yinyuan; 1592-1673), qui, venu au Japon en 1654 avec ses disciples, y fonda la secte zen 牢baku, proche du Rinzai. Ainsi, du début de son histoire à l’aube des Temps modernes, le bouddhisme japonais fut constamment vivifié par la venue de moines continentaux.Les six écoles anciennesL’expression classique du bouddhisme de l’époque de Nara (710-784), structure bien intégrée en tant que religion protectrice d’un État régi par les codes, est la liste des «six écoles de la capitale du Sud» (nanto-rokush ; cette capitale étant Nara par rapport à Ky 拏to). Le terme de sh est souvent traduit par «secte», mais certains savants estiment qu’il vaut mieux rendre par «école» un mot qui, en Chine et à date ancienne au Japon, bien que déjà dans une moindre mesure, désigne une communauté religieuse ouverte où l’on étudie et pratique le même système. L’ordre traditionnel de ces six écoles est le suivant:1. Sanron-sh ou «école des Trois Traités»; ces trois traités sont des œuvres du grand philosophe bouddhiste de l’Inde N g rjuna (IIIe s.) et de son disciple ryadeva et représentent la «voie moyenne» (m dhyamaka ), subtil système de pensée qui, à l’aide de la logique, démontre l’inanité de toute affirmation ou négation pour déboucher sur la contemplation de la vacuité (k ). Les traités furent traduits en chinois par Kum raj 稜va (mort vers 410) et l’école fut illustrée par Jizang (mort en 623). Transmise au Japon une première fois en 625 par un moine coréen, cette doctrine le fut à nouveau par le Japonais D 拏ji en 744, mais, très philosophique, elle n’acquit jamais une grande audience et se fondit au cours de l’époque Heian dans le tout-puissant courant ésotérique.2. J 拏jitsu-sh ou «école de l’Établissement de la réalité (ou des vérités)»; elle est fondée sur le traité du même nom, œuvre de l’Indien Harivarman (IIIe-IVe s.) qui fut traduite en chinois par Kum raj 稜va et qui expose systématiquement les quatre saintes vérités du bouddhisme. Malgré sa théorie de la vacuité, ce texte fut considéré en Chine et au Japon comme relevant du Petit Véhicule et l’école, déjà en déclin sous les Sui et les Tang, ne fut regardée au Japon que comme une branche de l’école précédente.3. Hoss 拏-sh ou «école des Caractères phénoménaux»; elle a pour base le «Traité de l’établissement du rien-que-pensée» (en japonais J 拏yuishiki-ron ) du chinois Xuanzang (602-664), expression chinoise du vaste courant de pensée dit yog c ra , qui affirme, au-delà de la vacuité et du non-moi, l’existence transcendante de la conscience éternellement éveillée. Hors du cadre de l’école, le yog c ra imprègne en réalité une grande partie du bouddhisme chinois, coréen et japonais. Son enseignement fut d’abord transmis au Japon en 661 par D 拏sh 拏 (629-700), qui avait étudié en Chine avec Xuanzang lui-même; et il connut en tout quatre transmissions différentes, la dernière étant celle de Genb 拏 (mort en 746), qui séjourna vingt ans en Chine et en rapporta le premier canon bouddhique complet. Le Hoss 拏-sh fut la plus active des écoles de Nara et se perpétua jusqu’à nos jours en maintenant au cours des âges le haut niveau de sa doctrine. C’est un moine du Hoss 拏, Toku.itsu, qui fut l’opposant le plus critique de Saich 拏 au début du VIIIe siècle.4. Kusha-sh ou «école de l’Abhidharmako ごa»; fondée sur le grand traité de philosophie bouddhique de ce nom, œuvre de l’Indien Vasubandhu (Ve s.) traduite en chinois par Xuanzang, elle fut transmise au Japon en même temps que le Hoss 拏, et le Kusha-sh fut intégré à cette dernière école. Bien qu’il relevât du Petit Véhicule, ce traité était la somme dogmatique qu’étudiaient toutes les écoles, ce qui explique sans doute que son école n’eut pas d’existence indépendante.5. Kegon-sh ou «école de l’Ornementation fleurie», c’est-à-dire du S tra de l’Avata ュsaka , l’un des plus profonds textes du Mah y na, dont l’intégralité n’existe plus qu’en trois versions chinoises. L’école, dont le Chinois Fazang (643-712) fut le grand patriarche, fut transmise au Japon par l’un de ses disciples, le Coréen Shinj 拏 (prononciation coréenne Simsang; mort en 742), et par son élève japonais R 拏ben (mort en 773). Par sa doctrine de l’interpénétration des divers plans de l’Univers et de leur intégration ultime dans l’essence du buddha Vairocana, cette école, la seule des six de Nara à se fonder sur un s tra (parole directe du Buddha) et non sur un ご stra (traité d’un docteur), se rapprochait de l’école Tendai, qui avait d’ailleurs son enseignement dans son système doctrinal, mais elle sut préserver son indépendance jusqu’à nos jours, où elle est encore implantée au T 拏dai-ji. Elle connut de belles renaissances aux époques de Kamakura et d’Edo, et exerça une grande influence sur la pensée, la littérature et l’esthétique.6. Ris-sh ou «école de la Discipline»; fondée, on l’a vu, par Ganjin, elle se perpétua au T 拏sh 拏dai-ji de Nara, où elle existe encore, mais l’introduction du Tendai et de l’ésotérisme, suivie du mouvement réformateur de Kamakura, diminuèrent son importance, bien qu’elle pût connaître des regains sous Kamakura et Muromachi. On vit même pendant Edo des moines d’autres écoles, et aussi, paradoxalement, du Tendai, remettre en vigueur l’antique vinaya; il existe encore, en tout petit nombre, des moines respectant tous les préceptes, appelés kais 拏 .La nouvelle vague de HeianÀ l’époque qui s’ouvre avec le transfert de la capitale à Heian (Ky 拏to) en 794, ces six écoles anciennes sont supplantées par deux puissants courants qui, transmis au début du IXe siècle, vont profondément influencer la pensée et la religiosité japonaises. Ils sont illustrés par les grandes personnalités de Saich 拏 et de K kai, qui, insatisfaits de ce qu’ils trouvaient au Japon, allèrent tous deux en Chine en quête de nouveaux enseignements.Saich 拏 (767-822) était d’une famille d’origine chinoise immigrée de longue date. Manifestant un goût pour la vie érémitique, il étudia les doctrines du Hoss 拏 et du Kegon avant de s’isoler sur le mont Hiei près de Ky 拏to. La lecture des grands traités du Tiantai (en japonais Tendai) l’incita à se rendre en Chine pour en approfondir l’étude. La cour, où il jouissait déjà d’une grande considération, l’y ayant autorisé, il effectua la traversée en 804 avec les navires d’une légation officielle. Il ne resta qu’un an sur le continent mais put y recevoir plusieurs enseignements et initiations; et la tradition insista sur le fait qu’en plus du Tendai il transmit aussi au Japon l’ésotérisme, le zen et l’ordination du Grand Véhicule. Cette dernière, dite aussi Commandement parfait, ou de bodhisattva, affranchissait le monachisme des obligations de l’ancienne discipline et en même temps de la tutelle des centres d’ordination de Nara. Saich 拏 demanda la permission officielle d’établir un centre d’ordination indépendant malgré l’opposition des écoles de Nara, contre lesquelles il eut à soutenir de longues polémiques. Cette permission fut accordée quelques jours après sa mort; elle consacrait l’indépendance de la nouvelle école et de son monastère situé sur le mont Hiei, l’Enryaku-ji. L’enseignement du Tendai, fondé sur le S tra du Lotus (My 拏h 拏 renge ky 拏 ) et élaboré sous sa forme scolastique par le Chinois Zhiyi (538-597), apportait à la fois un complexe système théorique – qui opère une remise en ordre de la totalité des doctrines bouddhiques réorientées vers la révélation suprême du S tra du Lotus , expression de la Doctrine parfaite en laquelle se résorbent toutes les différences – et un ensemble de pratiques de méditation, proches des techniques zen, qui mènent à la contemplation, où Univers et pensée s’intègrent parfaitement. Cet enseignement est en soi parfaitement exotérique, mais, quelques années après Saich 拏, les deux grands moines Ennin (794-864) et Enchin (814-891) se rendirent en Chine et en rapportèrent des doctrines ésotériques approfondies qui influencèrent grandement le Tendai, menacé par le grand succès de l’école de K kai, et contribuèrent à la naissance du Taimitsu, l’ésotérisme Tendai (opposé au T 拏mitsu), qui se scinda bientôt en deux branches, l’une, au mont Hiei, se réclamant d’Ennin, l’autre, au Mii-dera, d’Enchin.K kai (774-835), après de solides études au Japon, où il s’était déjà familiarisé non seulement avec le bouddhisme mais aussi avec le confucianisme et le taoïsme, se rendit en Chine avec la même légation que Saich 拏 et y resta un an de plus que celui-ci. Il reçut l’initiation ésotérique de Huiguo (746-805) et, de retour au Japon, se consacra à la propagation du bouddhisme ésotérique (mikky 拏), qui rencontra un succès extraordinaire auprès de la cour et de la noblesse. Cet enseignement, fondé sur le S tra du buddha Mah vairocana (en japonais Dainichi) et représenté concrètement par les deux ma ユボala (en japonais mandara ) qui furent installés dans les temples ésotériques, malgré son caractère abscons, se manifestait en un rituel fascinant dont la complexité rehaussait l’attrait. Les pratiques de méditation et le rituel ésotériques visent à réaliser dans la personne du pratiquant l’intégration avec le Tout universel et l’obtention de l’état de buddha dès cette existence et en ce corps; par une conséquence naturelle, l’adepte se trouvait alors muni de pouvoirs miraculeux qui pouvaient s’exercer au bénéfice de l’État et de la société. On comprend donc le succès que rencontra la prédication de K kai, qui exerça son influence jusque sur l’école rivale du Tendai. En 816, l’empereur lui fit don du K 拏yasan, petite montagne du département de Wakayama et, en 823, du T 拏-ji, monastère qui venait d’être construit à Ky 拏to même. La nouvelle école, appelée Shingon-sh ou «école des Paroles vraies», c’est-à-dire des formules à caractère magique (mantra et dh ra ユ 稜 ), qui jouaient un si grand rôle dans la pratique tantrique, acquit officiellement son indépendance en 835. Le mikky 拏 allait désormais influencer en profondeur la culture japonaise et colorer des courants bouddhiques a priori éloignés: comme on l’a vu pour le Tendai, la sévère école de la Discipline elle-même vit se développer une branche ésotérique; et, plus tard, un mouvement en principe aussi ouvert que la Terre pure connut aussi une transmission sous le secret initiatique. Le Shingon-sh est encore actuellement une secte importante.Les deux nouvelles venues étaient dès lors intégrées dans le bouddhisme japonais et, lorsque, en 830, l’empereur Junna demanda aux principales écoles de rédiger pour la cour l’essentiel de leurs doctrines, les six à être sollicitées furent le Sanron, le Hoss 拏, le Kegon, le Ritsu, le Tendai et le Shingon.Nouveautés et renaissancesLe bouddhisme restait cependant une religion monacale, aux dogmes abstrus, rédigés dans une langue à part, et aux pratiques longues et prenantes. Les trois principaux mouvements apparus à l’époque de Kamakura seront chacun à sa manière une simplification, une réponse plus aisée aux préoccupations religieuses non seulement du peuple et de la noblesse, mais aussi d’une grande partie des moines. Il est également significatif que tous les fondateurs de ces nouvelles sectes (ce terme devient alors plus approprié) aient auparavant étudié les doctrines du Tendai, ce qui montre l’importance de cette école, mais aussi de la divergence entre les solutions qu’elle proposait et les aspirations religieuses d’esprits ardents. De ces trois mouvements, deux sont d’origine chinoise et le troisième est une japonisation extrême du Tendai.Les doctrines de la Terre pure (j 拏do-ky 拏 ) ne sont pas à proprement parler une nouveauté. Apparues en Chine dès le IVe siècle et fondées sur la foi au salut par l’invocation mentale ou vocale (nenbutsu ) du buddha Amida (prononciation française du sanscrit Amit bha) qui accueille ses fidèles en la Terre pure de l’Ouest, elles furent connues très tôt au Japon et il se peut que Saich 拏 y eût été sensible. Associé à la croyance au déclin inexorable du Dharma (mapp 拏 ) et conçu comme le seul recours pour des êtres dégénérés qui ne peuvent plus s’adonner qu’à cette «pratique facile», opposée aux complexes systèmes d’autrefois, l’amidisme se répandit à partir du Tendai dès l’époque de Heian. Il est illustré par Genshin (942-1017), grand érudit dont l’ 牢j 拏 y 拏sh , l’un des livres les plus lus des lettrés de la fin du Heian et de Kamakura, prône la pratique du nenbutsu. Ry 拏nin (1073-1132), par sa dévotion à la pratique du nenbutsu et par la théorie qu’il en fit, exerça une influence considérable, qui se concrétisa bien plus tard, à l’époque d’Edo, par la création du Y z -nenbutsu-sh ou «école de l’Invocation intégrée». Avec le moine Genk (1133-1212), plus connu par son titre de H 拏nen et issu du Tendai, la rupture avec l’ancienne école fut consommée et la secte de la Terre pure (J 拏do-sh ) devint indépendante en 1175.Pendant Kamakura, la doctrine fut portée à un point radical par Shinran (1173-1262); celui-ci fit ses études dans l’école Tendai, puis, devenu disciple de H 拏nen, il fut exilé avec ce dernier lorsque le J 拏do-sh fut interdit. Il se maria, devint père de famille, sans renoncer à la vie religieuse. Une maladie lui fit expérimenter concrètement l’efficace de la «force de l’autre» (le buddha Amida), qui vient sauver les êtres, incapables qu’ils sont d’assurer leur salut par leur «propre force», comme le voudraient les autres écoles. Mais Shinran ne s’arrêta pas à ce dualisme de H 拏nen et, allant plus loin, il prôna un monisme absolu où le nenbutsu, effectué ne fût-ce qu’une seule fois, réalise la fusion de la Terre pure et de ce monde dans la pensée du fidèle. Même le dernier des criminels peut alors être sauvé dès cette existence, ainsi que l’exprime avec force le Tanni-sh 拏 , un recueil posthume de ses propos, qui est l’un des premiers grands livres religieux rédigé en japonais, et donc accessible à des lecteurs médiocrement lettrés. La secte dont il est le fondateur, le J 拏do-shinsh ou «vraie secte de la Terre pure» – que l’on fait traditionnellement commencer en 1224, date du début de la rédaction de son grand traité, le Ky 拏-gy 拏-shin-sh 拏 , et dont le nom même veut indiquer le progrès réalisé sur la secte de la Terre pure –, se répandit extrêmement vite dans le peuple. Cette nouvelle dévotion, par ses aspects quiétistes et par le mode de vie quasi laïque qu’elle permettait aux religieux, semblait réduire le fossé entre le but ultime du bouddhisme et le fidèle qui y aspirait. La simple invocation au buddha Amida, namu Amida butsu , devint la forme la plus familière de la piété japonaise. De par leur nature même, les pratiques de la Terre pure connurent de nombreuses diversifications lorsqu’elles furent adoptées par le peuple.Les doctrines et pratiques du zen (abréviation de zenna , du sanscrit dhy na , «méditation»), on l’a vu, furent à plusieurs reprises introduites partiellement auparavant (par Saich 拏 entre autres); elles constituaient aussi, quoique d’une façon différente de la Terre pure, une réaction à la complexité parfois contradictoire des enseignements scolastiques; elles «court-circuitaient» ceux-ci en donnant la priorité à l’obtention de l’Éveil (en japonais satori , traduction du sanscrit bodhi ) non plus par des pratiques s’accumulant au long des existences et fondées sur des écritures sacrées et des commentaires, mais par une relation intime avec un maître qui, en dirigeant le disciple conformément à ses facultés, l’amènera à la réalisation subite et totale de la délivrance.Le précurseur du zen indépendant fut Dainichi N 拏nin (fin du XIIe s.), qui était issu du Tendai et qui essaya sans succès d’établir une «école de Bodhidharma» (du nom du moine indien qui avait transmis le zen en Chine au VIe siècle); mais le début d’un véritable courant zen au Japon fut l’œuvre d’Eisai (ou Y 拏sai ; 1141-1215), moine du Tendai qui, soucieux de restaurer l’intégrité de son école, se rendit en Chine pour y étudier le zen de l’école Linji, qu’il désirait introduire dans le Tendai. Devant l’opposition des moines du mont Hiei, qui voulurent faire interdire son enseignement, et grâce à l’appui du sh 拏gun de Kamakura, il fonda sa propre lignée, qui devint le Rinzai-sh (prononciation japonaise de Linji). Le zen de la branche Rinzai met l’accent sur l’obtention de l’Éveil par la méditation sur le k 拏an , question paradoxale dont l’impossibilité logique oblige la pensée à rompre ses entraves.La seconde école zen de Kamakura fut le S 拏t 拏-sh (ou S 拏d 拏-sh ), fondé par D 拏gen (1200-1253); celui-ci, insatisfait de l’enseignement du Tendai, étudia d’abord le zen avec Eisai, avant de se rendre en Chine où, au cours d’un séjour de quatre ans, il approfondit la pratique de la branche Caodong (prononciation chinoise de S 拏t 拏), laquelle privilégie la méditation assise (zazen ) sans support particulier de la pensée pour réaliser le satori. Peu soucieux de rester près du pouvoir politique, D 拏gen propagea son enseignement austère dans le monastère Eihei-ji (département de Fukui). S’il a laissé des œuvres en chinois classique, l’essentiel de sa pensée est consigné dans son grand œuvre, le Sh 拏b 拏 genz 拏 («Le Trésor de l’œil de la vraie Loi»), rédigé en japonais et sans doute le monument le plus important de la pensée bouddhique japonaise. Ces deux écoles zen jouèrent un grand rôle au Japon. Le Rinzai fut l’intermédiaire de tout un courant de culture chinoise qui dépassait le bouddhisme; nombre de ses adeptes illustrèrent les lettres sino-japonaises, la peinture, les arts en général; et la noblesse s’y rallia avec enthousiasme. Le S 拏t 拏 trouva aussi une grande faveur dans la classe des samouraïs, séduite par la simplicité et la sobre sévérité de sa pratique. Mais le peuple ne se tint pas non plus à l’écart et actuellement encore nombreuses sont les familles qui s’en réclament.Le dernier grand mouvement est celui de Nichiren (1222-1282), fondateur de la secte qui porte son nom (Nichiren-sh ). Éduqué dans le Tendai, qu’il voulut restaurer dans sa pureté originelle, il exalta la dévotion au S tra du Lotus , dont il instaura, peut-être sous l’influence du nenbutsu et de l’idée de mapp 拏, la pratique de l’invocation (namu my 拏h 拏 renge-ky 拏 ). Grand adversaire de l’amidisme, il aspirait à établir au Japon un bouddhisme unifié support de l’État et apporta une tonalité nouvelle (bien que l’on en trouve un pressentiment chez Saich 拏) en développant la conception du Japon comme pays privilégié d’un bouddhisme régénéré par les facultés supérieures de ses habitants. Ses tentatives pour influer sur la politique lui valurent l’exil, mais ses idées se propagèrent rapidement. Écrivant en chinois mais aussi en japonais, il laissa des lettres vigoureuses au ton très polémique qui furent très largement lues et diffusées.En même temps que ces nouvelles sectes réformaient en profondeur la religiosité japonaise, les anciennes écoles, sous leur influence et par émulation avec elles plutôt que par réaction, connaissaient une renaissance spirituelle qui se manifesta aussi par une intégration des nouveaux courants à l’ancienne dogmatique. Le nenbutsu notamment s’ancra profondément dans nombre d’entre elles et reçut une justification dogmatique en accord avec les différents systèmes. De même, le mikky 拏 continua de se répandre, alors que, paradoxalement, l’antique discipline monastique reprenait vigueur dans certains milieux du Tendai. L’ancienne école qui connut le renouveau le plus remarquable pendant Kamakura, d’autant plus qu’elle avait été quelque peu occultée à la période précédente, fut le Kegon-sh , avec la grande personnalité de My 拏e sh 拏nin (K 拏ben; 1173-1232), moine dont le goût pour l’érémitisme s’allia à un souci de préserver le pur vinaya. Il composa des poèmes japonais (waka ), mais fut aussi le critique sévère de H 拏nen; adversaire de l’amidisme, il fut l’un des promoteurs de la foi en Maitreya (japonais Miroku), le buddha des temps futurs. Gy 拏nen (1240-1321), grand érudit à l’esprit de synthèse qui rédigea d’importantes œuvres d’histoire bouddhique et dogmatique, appartint de même au Kegon. Le Hoss 拏-sh fut illustré par J 拏kei, adversaire de l’amidisme et observant de la discipline, tandis que le Tendai eut en la personne de Ji.en (1155-1225) à la fois un grand poète de waka et le premier philosophe politique de langue japonaise avec son Gukan-sh 拏 , où les idées du mapp 拏 étayent la réflexion historique. Le Tendai, comme le Shingon, vit se développer aussi la pratique des «disputations» doctrinales (rongi ), qui permettaient d’approfondir les dogmes par la discussion entre moines.L’érudition d’EdoL’époque d’Edo est remarquable par l’essor d’une sorte d’encyclopédisme bouddhique qui vit le jour dans plusieurs écoles. Les grands docteurs de l’époque rivalisèrent d’érudition non seulement dans la dogmatique de leur propre secte mais aussi dans les systèmes concurrents et la pensée extrabouddhique. Jamais l’idéal du kengaku-s 拏 , du clerc versé dans l’ensemble des doctrines, ne fut aussi souvent réalisé. Il est intéressant d’observer que l’on trouve vers la même époque une orientation similaire en Chine, mais aussi au Tibet. Ce souci de ne pas rejeter mais d’intégrer les diverses composantes de la religion semble être un aboutissement logique de la pensée bouddhique. On peut aussi remarquer que les deux grands adversaires, le confucianisme et le shintoïsme du kokugaku , avaient eu pour pionniers des savants proches du bouddhisme; le confucianisme avait été renouvelé par Fujiwara no Seika (1561-1619), qui avait d’abord été moine, et les études nationales avaient remarquablement progressé grâce à Keich (1640-1701), religieux du Shingon.Toutes les grandes sectes d’Edo connurent ce renouveau encyclopédiste. Il fut marqué notamment par de grandes éditions du canon bouddhique complet: en 1648 fut achevée l’édition mise en œuvre par Tenkai (1536-1643), le rénovateur du Tendai; et c’est en 1681 que le fut l’édition xylographiée de Tetsugen (D 拏k 拏, 1630-1682) de la secte Obaku. Parmi les grands moines érudits, on peut citer: H 拏tan (S 拏shun; 1659-1738) du Kegon-sh , qui étudia les dogmes de toutes les écoles et écrivit de très nombreux ouvrages où il tenta une harmonisation du Kegon et du Tendai; Fujaku (1707-1781), du J 拏do-sh , qui fut un précurseur des études critiques modernes; Onk 拏 (Ji.un sonja; 1718-1804), du Shingon-sh n, qui essaya de faire la synthèse des connaissances transmises au Japon concernant la langue sanscrite. Ce vaste mouvement d’érudition bouddhique peut être considéré comme l’ancêtre direct des études bouddhiques universitaires et académiques qui s’épanouirent après Meiji.3. La religion du peupleLes moines et la dévotion populaireOn peut trouver la trace, depuis l’époque la plus reculée, de moines japonais ou d’origine immigrée qui exerçaient leurs activités à l’écart des communautés monastiques; comme ils étaient presque des magiciens thaumaturges, leur prestige était d’autant plus grand parmi le peuple et ils furent à l’origine de courants importants de bouddhisme «parallèle» ou semi-clandestins que les pouvoirs constitués cherchèrent toujours à circonscrire. C’est ainsi que l’on trouve mention dès 587 d’un «maître du Dharma de Toyokuni» (Toyokuni no H 拏shi), invité à la cour pour guérir l’empereur Y 拏mei. On ne sait rien de lui par ailleurs et il faut sans doute voir en lui une sorte de demi-sorcier taoïsant aussi bien que bouddhiste qui exerçait dans les milieux populaires ou immigrés.Gy 拏ki (668-749), religieux de l’école Hoss 拏, surnommé le Bodhisattva, choisit aussi de répandre dans le peuple non seulement la doctrine, mais encore les bienfaits sociaux du bouddhisme; on lui attribue la construction de ponts, de dispensaires, de foyers d’accueil, de réservoirs, etc. Les autorités cherchèrent à plusieurs reprises à limiter ses activités de prédication. Tenu pour une incarnation du bodhisattva Manjusri, il fut dans l’histoire japonaise souvent pris comme modèle du religieux ordonné selon le «commandement de bodhisattva» par ceux qui s’opposaient à l’ordination fondée sur le vinaya du Petit Véhicule. On retrouve quelques-uns de ces traits chez K ya (ou K 拏ya ; 903-972), surnommé le Saint des marchés, qui consacra la première partie de sa vie aux mêmes bonnes œuvres que Gy 拏ki et surtout répandait parmi le peuple la pratique du nenbutsu. Admis ensuite dans l’école Tendai, il orienta dès lors ses efforts vers la noblesse, mais le «nenbutsu dansé» (odori-nenbutsu ) qu’il avait propagé par les villes fut repris et diffusé avec enthousiasme à l’époque de Kamakura par Ippen sh 拏nin (Chishin; 1239-1289), fondateur de la secte Ji-sh , dont les pratiques d’invocations dansées collectives d’Amida furent extrêmement populaires. Trop sans doute, car ce mouvement fut incorporé au J 拏d 拏 shinsh pendant Muromachi. Des religieux de ce genre se retrouvent dans toute l’histoire japonaise et on les reconnaît souvent à l’épithète de «saint» (hijiri ) qui leur est donné dans le peuple. Ils purent même former de véritables groupes, tels ces «saints du mont K 拏ya» (K 拏ya-hijiri ), moines itinérants semi-laïques qui se répandirent dans le Japon à partir du XIe siècle et contribuèrent, d’une part, à propager le nenbutsu dans le Shingon et, de l’autre, à populariser les pèlerinages au mont K 拏ya.Le syncrétisme shint size=5拏-bouddhiqueLorsque le bouddhisme fut transmis au Japon, on ne vit d’abord dans les différents buddha que l’équivalent des divinités traditionnelles japonaises et on les appela d’ailleurs «kami de Chine», plaçant ainsi les deux entités sur le même plan. Si ce fut la cause des premières confrontations, il est hors de doute que cette assimilation facilita aussi grandement l’implantation de la nouvelle religion. Le mouvement ne s’arrêta pas; au contraire, il fut systématisé et s’étendit dans tous les milieux, gagnant les monastères bouddhiques comme les temples shint 拏, pour former ce courant religieux que l’on nomme syncrétisme shint 拏-bouddhique (shinbutsu konk 拏 ) et qui contribua à enraciner définitivement le bouddhisme dans la religiosité japonaise. Dès le VIIe siècle furent construits dans les jinja , sanctuaires shint 拏, des chapelles où l’on rendait un culte aux kami selon le rituel bouddhique (jing -ji ), de même que l’on prit l’habitude de réciter des s tra lors des offices shint 拏. À l’époque Heian se constitua la base théorique de ce syncrétisme avec l’apparition de la doctrine dite honji suijaku , qui considère les divinités japonaises comme des émanations adaptées (suijaku ) aux Japonais des grands buddha et bodhisattva du bouddhisme (honji , «base fondamentale»). Cette doctrine s’épanouit dans les écoles Tendai et Shingon; dans la première, avec le Sann 拏 ichijitsu shint 拏, fondé sur le culte du kami gardien du mont Hiei, qui fut systématisé à l’époque d’Edo; dans la seconde, avec le Ry 拏bu shint 拏, qui fait correspondre les deux ma ユボala avec les deux sanctuaires d’Ise, le haut lieu du shint 拏. La déesse du soleil Amaterasu est assimilée au buddha Vairocana, dont le nom traduit en sino-japonais signifie «grand soleil».L’un des véhicules de ce syncrétisme dans de vastes couches de la population fut le Shugend 拏. À peu près à la même époque que Gy 拏ki, pendant la période de Nara, vivait un personnage dont on ne connaît que des biographies semi-légendaires et que la postérité a appelé En no Gy 拏ja (En no Ozunu). Sorcier thaumaturge, il eut maille à partir avec le gouvernement, qui le recherchait cependant pour ses pouvoirs. C’est de lui que se réclamèrent les yamabushi , adeptes de la Voie des pratiques miraculeuses (en japonais Shugend 拏). Ce mouvement syncrétiste mêlait le vieux culte japonais des divinités des montagnes (yamabushi signifie «qui s’abrite dans les montagnes») à des doctrines bouddhiques prises dans l’ésotérisme Shingon et Tendai. Bien constitué dès le XIIe siècle, il fut diffusé dans tout le Japon par ses pratiquants, qui effectuaient des pèlerinages réguliers aux monts les plus révérés. Ces pérégrinations étaient mal vues des autorités, qui cherchèrent à mettre le Shugend 拏 sous la tutelle directe du Tendai et du Shingon, ce qui se réalisa pendant la période d’Edo.Pour toutes ces raisons, la plupart des Japonais n’avaient aucune raison de faire une discrimination trop nette entre les deux religions. Elles étaient perçues comme étant deux niveaux d’une même réalité, et c’est ce qui a rendu d’autant plus artificielle la séparation forcée qui fut opérée en Meiji.Clandestins et rebellesNombreux étaient les courants bouddhiques où à la fois l’État et les écoles constituées pouvaient voir une source d’excès mettant en danger l’ordre social comme la saine doctrine bouddhique; et les exemples ne sont pas rares au Japon où de véritables persécutions ont pu être imputées conjointement au bras séculier et au bras régulier. On sait que le tantrisme tel qu’il s’était développé en Inde avait élaboré un ensemble complexe de pratiques où l’élément sexuel jouait une grande place. Ces enseignements, s’ils avaient été bien transmis au Tibet, furent cependant très édulcorés lorsqu’ils passèrent dans le domaine chinois, où ils étaient trop choquants pour la sensibilité confucianiste; par contrecoup, ils arrivèrent tronqués au Japon. Il est d’autant plus intéressant de remarquer que s’y firent jour deux mouvements tantriques clandestins qui suscitèrent l’opposition véhémente des docteurs des écoles officielles et virent leurs adeptes poursuivis, leurs dirigeants exilés et leurs livres détruits.Le premier fut le Tachikawa-ry ou branche de Tachikawa de la secte Shingon; elle se caractérise par une interprétation sexuelle de l’enseignement ésotérique dit sokushin-j 拏butsu ou «obtention en ce corps de l’état de buddha», laquelle doit être réalisée par l’union des deux ma ユボala que sont le corps masculin, d’une part (ma ユボala du Plan de diamant), et le corps féminin, de l’autre (ma ユボala du Plan de la matrice). L’influence des conceptions taoïstes sur l’union du yin et du yang est d’autant plus probable que le fondateur de cette branche, Ninkan (XIIe s.), dont les doctrines furent reprises par Monkan (1278-1357), avait étudié l’onmy 拏-d 拏 , la «Voie du yin et du yang», qui était voisine du taoïsme. Le second fut le Genshi-kimy 拏-dan ou Estrade du refuge en l’enseignement occulte (de Saich 拏); il se voulait aussi une voie vers la réalisation en ce corps de la théorie de l’Éveil originel (hongaku ); il est peu probable que les pratiques sexuelles aient été présentes dès l’origine de ce mouvement, mais son principal promoteur à l’époque de Kamakura, Enkan (1281-1356), connut Monkan et fut influencé par le Tachikawa. Il semble que des rites orgiastiques se soient déroulés au mont Hiei sous l’égide de Matara-jin, divinité d’origine indienne. Ce mouvement fut sévèrement réprimé à l’époque d’Edo et l’on n’en connaît les doctrines que par les réfutations du Tendai orthodoxe.Le nenbutsu aussi connut la répression: au XVIIIe siècle apparurent plusieurs groupements spontanés de pratiquants qui se livraient à leurs dévotions en dehors du cadre reconnu des sectes de la Terre pure; dénoncés par celles-ci et poursuivis par les seigneurs féodaux, ces groupements se firent clandestins et adoptèrent des formes de transmission très influencées par l’ésotérisme. C’est ce que l’on appelle le kakure-nenbutsu ou «invocation cachée, clandestine, du buddha», dont le nom même évoque les kakure-kirishitan (chrétiens clandestins) persécutés eux-mêmes de longue date et plus durement.Un mouvement tout à fait remarquable par la force du refus qu’il opposa au pouvoir fut la dissidence du Nichiren-sh appelée Fuju-fuse-ha ou «Branche du refus de recevoir et de faire des dons». Cette branche portait à ses conséquences extrêmes le refus déjà exprimé par Nichiren d’entretenir avec les autres sectes et les non-fidèles quelque sorte de relations que ce fût, soit prédication ou aumône, la force seule devant les persuader d’adhérer au S tra du Lotus . Mais, alors que le Nichiren-sh officiel, celui du Kuon-ji au mont Minobu, avait accepté de composer dans une certaine mesure, la tendance intransigeante se manifesta de façon spectaculaire avec le refus du religieux Nichi 拏 (1564-1630) de participer en compagnie des autres sectes à la consécration d’une statue bouddhique sous le patronage de Toyotomi Hideyoshi. Il y eut dès lors scission, et les «intégristes», de moins en moins nombreux, furent l’objet d’une féroce répression, qui se poursuivit pendant toute la période d’Edo. Le Fuju-fuse-ha est la seule secte qui, à côté des chrétiens, s’enorgueillit d’une tradition de martyrs. Elle fut légalisée à l’ère Meiji.4. La modernitéLa séparation du bouddhisme et du shint size=5拏La Restauration de Meiji, en 1868, apporta de profonds bouleversements dans la situation du bouddhisme japonais. Les attaques des partisans des études nationales s’étaient faites plus violentes et culminèrent avec le mouvement haibutsu kishaku («destruction du bouddhisme»), qui accompagna la séparation forcée du bouddhisme et du shintoïsme (shinbutsu bunri ). Dès l’époque de Kamakura, des théoriciens du shint 拏 avaient proclamé la supériorité de celui-ci sur le bouddhisme et avaient notamment inversé l’idée du honji suijaku en proclamant que ce sont les kami qui étaient l’entité primordiale et les buddha et bodhisattva les émanations secondaires (shinpon butsujaku ); l’aboutissement logique en était le rejet du secondaire, du non-japonais, au profit de la religion nationale liée directement à la maison impériale. Dans certaines provinces, on limita à un par secte le nombre des monastères; il y eut des autodafés de s tra, des ventes de biens religieux, etc. La phase violente, mal accueillie par le peuple, qui prit parfois la défense du bouddhisme, dura peu; mais la rupture entre les deux religions était consommée. Il fut dès lors impossible de rendre un culte bouddhique aux divinités japonaises, toute trace en étant extirpée des monastères; et les prêtres shintoïstes devaient désormais se garder de tout syncrétisme. Il faut d’ailleurs ajouter qu’une même coercition s’exerçait sur les petits sanctuaires shint 拏 qui n’étaient pas intégrés dans les sectes officiellement reconnues. Le shint 拏 restauré devenait culte national, qu’il était interdit de qualifier de religion, afin de prévenir toute objection des bouddhistes et des chrétiens à l’endroit de son observance; la liberté religieuse était, par ailleurs, garantie, et ce fut l’époque de l’émiettement des sectes anciennes en de nombreuses branches qui tinrent à prendre leur indépendance.L’essor des études bouddhiquesL’introduction des idées occidentales confronta les clercs à de nouvelles méthodes d’étude et de recherche dans le domaine religieux, qui était alors en pleine rénovation en Europe et dont ils comprirent rapidement la portée. Le J 拏do-shinsh envoya ainsi dès 1876 deux religieux étudier en Angleterre le sanscrit et le p li auprès du grand indianiste Friedrich Max Müller; l’un des deux était Nanj 拏 Bun.y (1849-1927), qui, de retour dans son pays, y développa par son enseignement et son œuvre la bouddhologie moderne. L’un des plus beaux fleurons en fut la publication du «Canon bouddhique révisé de l’ère Taish 拏» (Taish 拏 shinsh daiz 拏ky 拏 ), sous la direction de Takakusu Junjir 拏 (1866-1945); c’est l’instrument indispensable des études bouddhiques. La redécouverte du bouddhisme indien n’alla pas sans répercussion sur la religiosité: il apparaissait que les traductions chinoises des écritures, sanctifiées par la tradition, pouvaient parfois différer de l’original, ou des versions tibétaines; l’existence de l’antique école du Therav da, fondée sur une tradition très différente du Grand Véhicule, amena quelques esprits critiques à soutenir que le Mah y na n’avait pas été enseigné par le Buddha, mais n’était qu’une invention tardive (daij 拏 hi-bussetsu ) et que les s tra chinois étaient sans valeur.On vit apparaître des mouvements de réforme à l’intérieur des sectes et la grande revue Ch 拏 k 拏ron , encore prospère de nos jours, fut fondée en 1887 par des moines et des intellectuels bouddhistes. Les grandes sectes tinrent aussi à avoir des universités où seraient formés leurs religieux, mais qui dispenseraient également un enseignement laïque; il y eut ainsi l’université Otani pour le J 拏do-shinsh , Komazawa pour le S 拏t 拏-sh , Taish 拏 pour le Tendai, Shingon et J 拏do, etc.Une fois recouvrée la liberté de sortir du pays, les religieux japonais se lancèrent dans l’exploration des hauts lieux bouddhiques de l’Asie, en des voyages qui étaient autant des pèlerinages que des expéditions. L’un des plus spectaculaires fut le voyage au Tibet de Kawaguchi Ekai (1866-1945), qui atteignit Lhasa au début du XXe siècle.Les nouveaux mouvementsAprès la Seconde Guerre mondiale, la liberté religieuse fut intégralement instaurée et le shintoïsme perdit sa place privilégiée. Le mouvement de diversification religieuse alla croissant, dans le bouddhisme comme dans le shint 拏 et le christianisme. À côté des sectes traditionnelles s’implantèrent des sectes nouvelles, se plaçant parfois dans une continuité historique, tel le Nichiren sh 拏-sh ou «secte authentique de Nichiren», qui se veut la seule interprète fidèle des enseignements du maître. Fondée en 1872 et ayant fait l’objet de poursuites, elle s’est épanouie après la guerre, et connaît à présent une grande diffusion au Japon comme à l’étranger. Plus récemment, une secte comme l’Agon-sh (secte des Agama) essaie de concilier les s tra du Petit Véhicule avec les pratiques du mikky 拏, ultime manifestation de la popularité de l’ésotérisme au Japon.5. La présence du bouddhisme dans la langue et la littératureÀ la différence de la Chine et de la Corée, où le bouddhisme, cédant le pas au confucianisme d’État, cessa d’être une composante importante de la vie culturelle et où l’affaiblissement, voire la quasi-disparition du clergé, rendit impossible toute action suivie d’éducation religieuse populaire avant la renaissance du XXe siècle, la continuité remarquable de la communauté bouddhique au Japon permit une pénétration en profondeur, dans le peuple, des idées qu’elle véhiculait. L’ampleur de la diffusion du bouddhisme se manifeste, bien entendu, dans l’art et l’architecture, mais aussi à tous les niveaux de la littérature et de la langue et, par voie de conséquence, dans la mentalité nationale, au point que, bien souvent, les Japonais «font» du bouddhisme sans le savoir. Avant d’évoquer la présence de celui-ci dans la langue, nous évoquerons trois genres littéraires qui en furent, à notre sens, des moyens privilégiés de propagation dans de plus larges couches de la population. Il est naturellement impossible d’évoquer ici la littérature scolastique à proprement parler, dont le caractère hautement spécialisé en a restreint la diffusion, si l’on excepte quelques grandes œuvres déjà évoquées, aux cercles monastiques et lettrés.Les «setsuwa»Les setsuwa sont littéralement des «contes [transmis par] récitation», consignés par écrit et rassemblés en recueils, le plus souvent par les soins de religieux, mais leur transmission orale avait pu s’effectuer dans des milieux fort divers, en partie populaires, car le caractère folklorique en est parfois très marqué. Si les premiers recueils furent rédigés dans le style sino-japonais savant (kanbun ), la nature même du public plus étendu auquel ils s’adressaient fit que ces contes édifiants furent ensuite rédigés le plus souvent en japonais, non pas dans le japonais épuré de la littérature courtoise, mais dans une langue plus naturelle qui n’évite pas le vocabulaire d’origine chinoise (kango ) et qui se révèle être l’ancêtre direct du style écrit moderne. Le plus ancien recueil transmis est le Nihon ry 拏.i ki ou «Livre des manifestations surnaturelles du Japon», rédigé en style sino-japonais au début de la période de Heian; l’auteur, un moine du nom de Keikai (ou Ky 拏kai), se proposait d’illustrer par des exemples japonais la doctrine bouddhique de la rétribution des actes et la puissance miraculeuse des buddha. Il confirme, dans une notice, qu’il a puisé dans la tradition orale et s’intéresse aux moines thaumaturges révérés par le peuple. Mais le monument le plus imposant relevant de ce genre est sans contredit le Konjaku monogatari (dont une partie a été traduite en français par B. Frank sous le titre Histoires qui sont maintenant du passé ), énorme compilation de plus de mille cents récits remontant au début du XIIe siècle. D’auteur inconnu, l’ouvrage est divisé en trois parties principales regroupant les contes concernant l’Inde, la Chine et le Japon; son style japonais relativement aisé, malgré un vocabulaire fortement sinisé, en fit une véritable encyclopédie narrative largement répandue, si l’on en juge d’après le nombre de manuscrits anciens conservés où les générations postérieures trouvèrent une riche matière constamment reprise et remaniée jusqu’à l’âge moderne. L’époque Heian a laissé, en outre, une riche littérature de setsuwa dont les principaux recueils sont le Sanb 拏 e-kotoba (qui, datant de la fin du Xe s., reflète les doctrines du Tendai et s’adresse à un public aristocratique), le Honch 拏 Hokke genki (qui est du milieu du XIe s. et relate les miracles effectués par le S tra du Lotus au Japon, à l’imitation d’ouvrages analogues en provenance de Chine), le Nihon 拏j 拏 gokuraku ki (fin du Xe s.), comprenant des biographies édifiantes écrites dans l’esprit de la piété amidiste. Toutes ces œuvres, qui reprenaient souvent des matériaux populaires, contribuèrent à leur tour à rediffuser cette matière dans l’imaginaire japonais.La prédicationÀ bien des égards, la volumineuse littérature de prédication conservée en japonais (représentée par les recueils de «sermons», h 拏go ) est liée au genre des setsuwa ; c’est, en effet, dans ces contes édifiants que les moines allaient souvent chercher les exempla qui illustraient leur propos, contribuant ainsi à leur propagation; et l’on constate d’ailleurs que, dans les catalogues de l’époque d’Edo, certains recueils de setsuwa étaient classés sous la rubrique h 拏go . C’est ainsi le cas du Shaseki-sh (traduction française de H. Rotermund, sous le titre de Collection de sable et de pierres ), œuvre du XIIIe siècle dans laquelle les prédicateurs puisèrent à pleines mains. Les sermons s’adressaient à deux grandes sortes de public, les clercs et les laïcs, avec évidemment de grandes différences de technicité et de profondeur selon la compétence du public visé. Pour prendre l’exemple de l’époque de Kamakura, qui fut marquée par l’essor des recueils de h 拏go en langue japonaise, on voit ainsi surgir deux œuvres aussi dissemblables que le Sh 拏b 拏 genz 拏 de D 拏gen et le Tanni-sh 拏 de Shinran, toutes deux classées comme h 拏go , mais aux antipodes l’une de l’autre par leur ampleur et leur doctrine; leur point commun est cependant qu’il s’agit dans les deux cas de prédications orales mises ensuite par écrit. La tradition des sermons se poursuivit jusqu’à l’époque moderne et fut également cultivée dans les principales écoles, et singulièrement dans les sectes de la Terre pure et zen; ils eurent une grande importance dans l’histoire de la langue, puisqu’ils notaient fidèlement, dans une forme à peine remaniée, la langue parlée quotidiennement, au moins dans les milieux monastiques. Ainsi les sermons de Ji.un sonja (mort en 1804), déjà mentionné, sont rédigés dans une langue très naturelle, qui contraste fort avec ses œuvres écrites en style savant.Une forme particulière et très populaire de la prédication est l’e-doki , ou «prêche par les images», dans lequel le prédicateur s’aidait de pieuses illustrations pour faire passer plus facilement son propos; c’est par ce moyen que les grandes figures de l’hagiographie se diffusèrent dans le peuple. Remarquons enfin que l’on commence à mieux comprendre la grande influence qu’exerça la prédication bouddhique dans de nombreuses formes d’arts de l’oralité, et notamment dans l’évolution du rakugo , ou art populaire de la narration comique.La poésieDe tous les genres littéraires japonais, aucun n’a été tenu pour plus représentatif du caractère national que la poésie de langue japonaise (waka ), qui est attestée dans les plus anciens monuments de la langue et dont l’un des impératifs les plus stricts était l’interdiction d’utiliser le vocabulaire d’origine chinoise. Sous la forme classique du tanka , ou «poème court» (cinq vers de 5, 7, 5, 7, 7 syllabes), la poésie était considérée comme l’expression par excellence de l’âme japonaise, où les influences culturelles en provenance du continent ne trouvaient que de lointains échos. Il est d’autant plus intéressant de constater que, dès les grands recueils de l’époque de Heian, un certain nombre de poèmes étaient consacrés à la louange ou à l’explication des enseignements du Buddha. Appelés shakky 拏-ka , ou «poèmes sur la doctrine de え kyamuni», ils furent réunis dans les sections portant ce nom dans les recueils poétiques classiques avant de constituer des ouvrages indépendants, parmi lesquels on peut citer le Hosshin waka-sh , ou «Recueil de poèmes japonais sur la production de la pensée d’Éveil», publié en 1012 par la princesse impériale Senshi. On vit ensuite apparaître la vogue des recueils consacrés à l’expression poétique de l’enseignement des grands s tra, parmi lesquels le S tra du Lotus occupait la première place, ainsi la «Centurie du Lotus» (Hokke hyaku-sh ) de Ji.en (mort en 1225), où les poèmes sont précédés d’une citation du s tra dont ils sont inspirés. Il est sûr que les shakky 拏-ka étaient, en règle générale (il y a de brillantes exceptions), considérés comme littérairement inférieurs à la poésie pure, mais leur rôle a été très grand dans l’acclimatation du bouddhisme à la mentalité nationale (et vice versa) en ce qu’ils ont su donner une expression indigène, souvent remarquable dans la richesse des images et la subtilité des concepts, à une religion étrangère et d’accès difficile. Ils constituèrent, dans le cas du S tra du Lotus, une véritable paraphrase où les enseignements les plus difficiles se voyaient explicités sous une forme familière et compréhensible. Leur importance dans l’histoire de la langue a été double: en chargeant le vocabulaire japonais traditionnel de tout un contenu sémantique inspiré du bouddhisme, ils l’ont enrichi en profondeur et en nuances; par ailleurs, en enfreignant l’un des interdits du waka et en tolérant l’emploi d’un nombre croissant de termes d’origine chinoise dans la poésie japonaise pure, ils ont préparé les tendances littéraires modernes qui admettent le vocabulaire mixte.Rappelons enfin que l’apparition, à l’époque de Kamakura, de l’idée selon laquelle les waka étaient identiques aux dh ra ユ 稜 sanscrites, et qu’ils avaient donc la même efficacité surnaturelle, donna aux bouddhistes japonais le sentiment que leur langue avait le même caractère sacré que le sanscrit et le chinois, opinion qui fut reprise et accentuée au détriment du bouddhisme par les tenants du nationalisme d’Edo.La langueIl n’est donc pas étonnant que la langue japonaise, jusque dans sa forme moderne, ait gardé une profonde empreinte bouddhique facilement identifiable, même si elle n’est pas ressentie comme telle par les locuteurs ordinaires. Cette empreinte est avant tout manifeste dans le vocabulaire, tout d’abord dans les mots d’origine chinoise: les termes sino-japonais (kango ) peuvent, en règle générale, être lus dans la prononciation dite go.on ou dans celle qui est dite kan.on , la première, plus ancienne, subsistant surtout dans les mots d’origine bouddhique, la seconde, plus moderne et plus répandue, concernant le vocabulaire général, littéraire et confucianiste, ce qui permet de distinguer de façon relativement facile leur provenance. On s’aperçoit ainsi qu’un grand nombre de termes abstraits courants, prononcés en go.on , proviennent directement des écrits bouddhiques et ont été propagés par les moyens évoqués ci-dessus; citons par exemple les mots sekai , «monde» (sanscrit loka-dh tu ), ningen , «être humain» (sanscrit manu ルya ), bonn 拏 «passion» (sanscrit kle ごa ), etc. Un suffixe aussi couramment employé dans le vocabulaire moderne que sei («nature»), équivalent des suffixes abstractifs européens -té , -ty , ne fait que poursuivre son antique carrière où il traduisait le suffixe sanscrit de même origine -t .Des concepts fondamentaux du bouddhisme sont également véhiculés dans la langue quotidienne par des termes aussi répandus que en («lien», «affinité karmique»), qui maintient ainsi l’un des plus vieux enseignements du bouddhisme, la théorie de la causalité. De même, une pléiade de mots tant japonais que sino-japonais exprime sous diverses nuances l’idée typiquement bouddhiste de l’impermanence (muj 拏 ) de tout ce qui existe. Il a d’ailleurs été remarqué à plusieurs reprises que cette idée, inlassablement reprise et sous-jacente dans la poésie, la prose et l’art, a subi au Japon une inversion de valeur révélatrice et que, de négative qu’elle était en Inde, elle est devenue un sentiment pathétique de la beauté et du prix de ce qui est éphémère.On n’en finirait pas de citer tous les proverbes et dictons japonais qui sont directement inspirés du bouddhisme; encore très usités actuellement, ils témoignent de la pérennité dans la sagesse populaire d’une religion que l’on pourrait hâtivement juger en voie de disparition.Remarquons enfin la curieuse présence du vocabulaire bouddhique dans le domaine sexuel, où les organes masculins et féminins sont désignés par une grande variété de noms de divinités, notamment Mara, dieu de la mort, pour le sexe masculin et Kannon (Avalokite ごvara) pour le sexe féminin, preuve supplémentaire de l’omniprésence de la religion de え kyamuni à tous les niveaux de la langue, et donc de la vie, japonaise.
Encyclopédie Universelle. 2012.